Suite à la campagne nationale de FNE, Bretagne Vivante vient de prendre position, d'une manière globale, sur le problème agriculture/pollution. Concrètement, la section de Quimperlé, conjointement avec Ellé Vivante, a déposé le texte qui suit à une enquête d'utilité publique portant sur une extension de porcherie. Les personnes présentes lors de la dernière réunion de bureau ont pensé qu'il était intéressant de le publier sur ce blog. Ce texte répond à certains points du dossier d'enquête que nous ne pouvons pas reproduire et il n'est par conséquent pas toujours facile à comprendre. Mais il est intéressant de voir quelles insuffisances on peut pointer dans un dossier de projet d'élevage et de comprendre quelles sont les conséquences de la prolifération de tels élevages.
Projet SCEA de Pratenou SCEA de Bellevue
Avis sur l’agrandissement de l’élevage porcin
A l’étude du projet, il est évident que toutes les possibilités permettant de faire croire à une baisse de la charge fertilisante à l’hectare ont été exploitées.
On est amené à penser que la réalité est toute autre. Ce dossier ne sert qu’à exploiter des variables liées à l’élevage bovin de l’exploitation pour justifier l’agrandissement de l’élevage porcin associé.
- Pour ce qui est de la présence des vaches laitières en étable, le projet parle d’une présence de 4 mois en étable, en novembre, décembre, janvier, février. Mais où sont ces animaux en septembre, octobre, mars, périodes durant lesquelles les pâturages sont inexploitables ou ne suffisent pas à la demande de production des animaux ?
Ajoutons une alimentation à l’auge en août et la présence, toute l’année, des animaux en étable deux fois par jour lors des traites.
Le potentiel de présence est donc d’au moins 6 mois équivalents en étable. Cette donnée est donc sous-estimée et est utilisée pour reporter la charge principalement sur la SDN, et non sur la SPE de surface inférieure, en profitant des prairies non épandables de la SDN
SPE Surface potentiellement épandable : 126 ha
SDN Surface directives nitrates (SPE + prairies non épandables) : 146 ha
SAU Surface agricole utile représentant la surface totale exploitée : 153 dont 19 ha de prairies pâturables
Dans la réalité, les 170 kg/N/ha, déjà polluants, sont dépassés et il est fallacieux de jouer avec le temps de présence en étable des animaux et les surfaces disponibles. Une différence de 20 ha entre la SDN et la SPE et 2 mois de plus de présence en étable augmentent de 25 % la charge bovine.
- Pour ce qui est des rendements des cultures, d’une part les chiffres avancés ne prennent pas en compte les aléas climatiques susceptibles d’influer sur eux, d’autre part ces rendements diffèrent selon les exploitations citées. Les rendements sont :
Pour la SCEA de Pratenou: Maïs grain : 92 q Blé tendre : 81 q
Pour la SARL Kerlavarec : Maïs grain : 85 q Blé tendre : 75 q
Ceux de la SCEA de Pratenou sont supérieurs. Pourquoi ?
L’utilisation de chiffres de rendements maximaux permet d’équilibrer le rapport apport/ export des éléments, mais ne correspond pas à la réalité. Pour information, 10 q de moins de rendement correspond à 25 kg/N/ha pour du maïs grain, 30kg/N/ha pour du blé tendre, 15 kg/N/ha par tonne de MS pour du maïs fourrage.
- Il ressort aussi de ce projet que 140 kg/N/ha sont épandus sur les terres vouées à l’emblavement en blé tendre, mais il n’y a aucune étude sur le lessivage potentiel des éléments durant la période hivernale.
- Dans les analyses de terre, il n’y a aucune donnée concernant l’azote résiduel des cultures précédentes, il n’y a aucune prévision concernant l’apport et la transformation dans le temps de la matière organique. On peut se poser les mêmes questions en ce qui concerne l’apport sur les prairies temporaires au printemps.
Les analyses de terre font ressortir des concentrations élevées, voire supérieures à la norme en potasse. Toute la potasse se concentre principalement dans la phase liquide du lisier, elle ne sera donc pas exportée. Cette problématique est complètement occultée dans l’étude. Rappelons que la norme européenne pour cet élément est de 10 mg/litre dans l’eau de consommation.
- Concernant la partie exportée, il n’y a, dans le dossier, aucune étude sur la rentabilité du produit. Au vu de sa concentration en éléments fertilisants, à quelle distance ce produit peut-il être transporté pour rester compétitif face aux engrais chimiques ? Dans tous les cas étudiés, la rentabilité se situe en dessous de 150 kilomètres, le produit ne quittera donc pas la Bretagne déjà excédentaire.
- Pour ce qui est des contrats, 3 ans pour les plans d’épandage extérieur à l’exploitation, 5 ans pour la commercialisation du compost par la CECAB.
Que se passera t-il en cas de non-renouvellement des contrats ? Où ira le lisier ? Que fera-t-on du compost ? Aujourd’hui et demain, comment sont et seront respectés les plans d’épandage ?
- La création d’emplois, argument ressassé face à nos griefs, n’est que poudre aux yeux. Depuis des décennies tout agrandissement et concentration dans le domaine agricole n’a eu pour effet que de diminuer le nombre d’actifs. Les difficultés actuelles le prouvent amplement. Deux emplois de créés à Locunolé, combien de perdus ailleurs ?
En conclusion, beaucoup de paramètres ignorés, des vaches laitières aux champs en plein hiver, des rendements optimaux, un compostage expérimental pour la bonne conscience, voilà la recette pour justifier l’agrandissement de cet élevage porcin.
Dans la région de Quimperlé, on voit se développer depuis quelques années, des projets de productions hors sols, en porcs plus spécialement. L’exemple de la baie de St Brieuc devrait nous amener à plus de vigilance.
Rappelons qu’avec 130 000 tonnes/an d’azote produit par l’élevage, et 70 000 tonnes/an d’azote minéral répandu, la Bretagne se retrouve avec un excédent annuel de 50 000 tonnes d’azote, l’exportation optimale par les cultures étant de environ de 150 000 tonnes (Source : Agreste : DRAF Bretagne pour les statistiques les plus optimistes, le CEMAGREF et l’Observatoire de l’eau en Bretagne étant beaucoup plus alarmistes). Cet excédent prend la direction des sources, des rivières et finit à la mer, poubelle de tous les excès.
1200 km de côtes bretonnes, 50 tonnes d’azote par kilomètre, 1 tonne tous les 20 mètres de côte !!!!!!
On peut objecter que les procédés de traitement permettent de résoudre les problèmes de surproduction d’éléments fertilisants Il y a effectivement baisse de la quantité de phosphore par exportation de la phase solide des lisiers mais les quantités d’azote et de potasse demeurent les mêmes dans le résidu liquide qui représente 50 % du volume total. Et rentabilité (coût du transport) oblige, rien ne sort de Bretagne.
Le problème des métaux lourds incorporés aux aliments et qu’on retrouve dans le lisier, reste récurrent à ce jour mais le sujet est ignoré dans toutes les procédures de création ou d’agrandissement d’élevage (Observatoire de l’eau en Bretagne, pièce jointe).
La problématique de la production porcine ne se limite pas à l’azote, une vision globale est indispensable quant à l’avenir de la Bretagne.
Côté finances, comment la commission locale de l’eau du SAGE Ellé-Isole-Laïta pourrait-elle cautionner l’augmentation de la pollution quand on sait que des sommes énormes sont dépensées pour juguler la pollution (cf, par exemple, la mise à niveau des installations de production d’eau potable de l’usine du Zabrenn à Quimperlé, pour plus de 6 000 000 € HT), et non la diminuer, comme le confirment les derniers résultats fournis par les instances régionales (Observatoire de l’eau en Bretagne, pièce jointe).
Quant au ramassage des 40 000 à 70 000 tonnes d’algues qui s’échouent chaque année sur le littoral breton, essentiellement dans le Finistère et les Côtes d’Armor, il coûte de300 000 à 500 000 euros aux communes et Conseils généraux. (Source : Ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, 22 juillet 2010).
Où est le respect des citoyens financeurs ?
Enfin, que penser de l’importation des matières premières incorporées aux aliments, comme le soja brésilien OGM produit aux dépens de la forêt amazonienne et des hommes de ce pays ? Il existe une autre agriculture qui ne pille pas le reste du monde et pollue beaucoup moins.
En conclusion :
- Dossier technique incomplet
- Augmentation de la charge fertilisante dans une région saturée
- Projet en opposition aux politiques chargées de protéger la ressource en eau
- Filière en difficultés malgré les subventions européennes et l’exploitation des producteurs des pays en voie de développement
La section Bretagne vivante SEPNB de Quimperlé demande aux instances compétentes d’être responsables en refusant l’autorisation à ce projet.
Le mur est devant et toujours autant d’inconscience dans la conduite de l’économie !