Voici deux documents que des membres du bureau de la section, Jean-Luc le Delliou et Jean-Pierre Roullaud, ont écrit sur l'invasion du sud-Finistère par des porcheries, chacun avec son style, chacun avec ses arguments mais tous les deux sur le même problème, celui des extensions des porcheries.
Le premier est une lettre que Jean-Luc a écrit à ses collègues du SAGE (Schéma d'Aménagement et de Gestion des Eaux) : Bonjour à tous,
Je siège depuis fin 2008 à la CLE du SAGE Ellé Isole Laïta et j’ai une interrogation dont je voudrais vous faire part et avoir vos avis éventuels.
Depuis quelques mois, j’ai l’impression qu’il y a comme un flux migratoire des porcs Costarmoricains vers le sud Bretagne ….( je me demande bien pourquoi, le climat peut-être ?) Ainsi, les extensions de porcheries commencent à abonder: il est question d’une vingtaine de projets entre le Sorff et l’Aven. Entre autres 4 projets, en cours ou à venir, sur les communes d’Arzano et Locunolé sur les rives de l’Ellé, pour le SAGE qui me concerne, soit environ 15 000 cochons !
Ne serait-il pas normal que la CLE soit consultée pour chaque projet ? Nous avons la chance d’être sur un territoire hors ZES mais nous souffrons d’un déficit en eau potable (ce qui excite quelques-uns uns qui ont toujours rêvé de faire du pédalo sur un lac de barrage !) Je vous précise que, chez nous, l’abreuvement des animaux représente 31 % des besoins en eau.
Ce risque de pénurie en période estivale pourrait être un levier pour mettre un frein aux extensions, sans parler du Grenelle de l’environnement et de la réduction des gaz à effet de serre, non ?
Qu’en est-il sur les autres SAGE ?
Par ailleurs, nous découvrons une nouvelle pratique des cochonniers qui ne manquent jamais d’imagination pour faire passer leurs projets. On fait une belle enquête publique avec de beaux cochons sur litière qui fournira un beau compost. Rien à redire. Avis favorable du commissaire enquêteur et des élus locaux et … passés les douze coups de minuit, nos beaux cochons sur paille se retrouvent entassés sur de froids caillebotis en béton ! Avec la bénédiction du CODERS ! Suit un permis de construire modificatif et hop le tour est joué.
Et la pratique semble se généraliser. Faites-vous les mêmes constats ?
Merci pour vos commentaires.
Jean Luc LE DELLIOU
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Image : www.dinosoria.com/mammifere/cochon_014.jpg
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Le deuxième est un projet d'article que Jean-Pierre, ancien agriculteur, particulièrement au fait des pratiques agricoles conventionnelles, destine aux journaux : Quimperlé, futur Hillion ? ?
Le plan de lutte contre les algues vertes annoncé par le ministre de l’agriculture, Bruno Le Maire et la secrétaire d’état à l’écologie, Chantal Jouanno, a montré l’absence de volonté du gouvernement de changer un modèle agricole breton aujourd’hui dépassé. L’essentiel du plan vise à gérer, aux frais du contribuable, la pullulation des algues au lieu de traiter le problème à sa source, les algues n’étant finalement qu’un symptôme d’une dégradation générale de l’environnement par une agriculture anti-écologique et, un comble, super déficitaire !
Localement de nombreuse demandes d’agrandissements ou d’installations nouvelles d’élevage porcins font craindre que la production porcine bretonne soit, croissance oblige, en train de se reporter vers notre région encore largement épargnée. Les bassins de l’Ellé et de l’Isole et celui du Scorff sont majoritairement hors ZES et sont en outre proches d’abatteurs importants, comme Bigard et Olympig, et sont donc susceptibles d’attirer les industriels de l’élevage.
Ces extensions d’élevage sont assorties de techniques destinées à limiter la pollution qu’elles engendrent : stations d’épurations ou de méthanisation. Ces techniques ne sont pas à rejeter dans la mesure où elles peuvent contribuer à résoudre des problèmes existants. En revanche elles ne peuvent servir d’alibi pour de nouveaux projets d’élevages qui même moins polluants restent préoccupants. Si elles résolvent en partie la surcharge azotée, elles ont le défaut de concentrer le phosphore, le potassium et, surtout, les métaux lourds. Les boues de stations et résidus de méthanisation sont des déchets dangereux.
Les stations d’épuration du type de celle qui est en cours de construction sur Locunolé, diminuent de 60 à 70% la quantité d’azote à résorber, mais laissent passer le potassium en totalité dans la partie liquide à épandre, et concentrent dans les boues de décantation la majorité du phosphore et surtout les métaux lourds (Cu, Zn, Mn, Co et Cd).
Dans cette technique quelques questions doivent être soulevées :
- Quel est le risque d’émanations d’azote (ammoniac, protoxyde d’azote…) ?
- Quel est le risque de surcharge en potassium pour les terres et l’eau (la norme européenne pour cet élément est de 10mg/ litre d’eau potable) ?
- Que fera-t-on des boues surchargées en métaux lourds ?
La méthanisation réduit les volumes et produit du méthane issu de la transformation de la matière organique. Mais les lisiers ne sont pas les produits optimums pour cette technique, car trop pauvres en matières organiques. Les fumiers et déchets organiques sont bien préférables. Cette technique ne résout pas les pollutions liées à l’azote, le phosphore et les métaux lourds mais concentre ces éléments dans le digestat. Une station d’épuration peut y être jointe pour résorber en partie l’azote, mais laisse entière la problématique citée précédemment.
Les sections quimperloises de Bretagne vivante, d’Eaux et Rivières de Bretagne et de l’APPMA de Quimperlé s’inquiètent au vu des réalisations autorisées récemment et des projets en cours en production porcine sur les bassins de l’Ellé et du Scorff.
Nous sommes opposés à toute augmentation du cheptel porcin sur les bassins de ces rivières, qu’il s’agisse d’élevages sur paille (qui ne viendraient pas en remplacement d’ateliers existants), ou d’ateliers accompagnés d’une station d’épuration ou de méthanisation.
Une vision globale est indispensable. En effet, la production porcine souffre de nombreux maux : culture de maïs avec ses intrants et pesticides associés, assolement blé/maïs déstructurant les sols. Ceux-ci deviennent de plus en plus compacts et imperméables, ce qui entraîne érosion, lessivage, inondations et, in fine, dégradation de la vie marine.
Ne soyons pas dupes, nous allons vers une concentration de la production de type industrielle et sans limitation et non vers une gestion environnementale pragmatique.
Ce système survit grâce aux subventions, financées par la collectivité, et il est de notre devoir de citoyen d’alerter et de demander à la profession une remise en question de ses pratiques.
Nos représentants élus et les instances administratives, chacun avec ses compétences, se doivent de dire STOP.
Bientôt ça chez nous ?