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18 septembre 2014 4 18 /09 /septembre /2014 13:32

Avis de Bretagne Vivante SEPNB sur le projet de canalisation de gaz dit

« Bretagne Sud »

À Brest le 15 avril 2014

 

La société GRT Gaz mène un projet d’installation d’une canalisation de gaz sur plus de 100 km dans les départements du Morbihan et du Finistère. Cela est fait en application du pacte breton pour l’indépendance énergétique, et notamment, en lien avec le projet de centrale à gaz à Landivisiau.

Il nous a été communiqué le dossier d’étude d’impact qui sera prochainement soumis à enquête publique. Bretagne Vivante, en tant qu’association régionale agréée deprotection de l’environnement, a été sollicitée par la DREAL pour donner son avis sur l’étude d’impact.

Nous avons l’honneur de vous informer de l’avis que l’étude d’impact appelle de notre part.

Introduction : composition du dossier, méthode, accessibilité

En introduction, il faut relever que les documents qui nous ont été remis, s’ils sont bien présentés, sont particulièrement volumineux et peu pratiques (format A3 notamment). Le résumé non technique est par contre très court et ne permet pas de prendre conscience des enjeux du dossier. Concernant le volume, l’étude d’impact doit être proportionnelle aux enjeux. Beaucoup d’informations non indispensables ou non pertinentes pour le projet alourdissent le dossier sans apporter de plus-value pour la compréhension du dossier. On pense en particulier aux informations sur la climatologie, la démographie des communes traversées… Où est la hiérarchisation des enjeux ? Cela peut être susceptible d’empêcher le lecteur non spécialiste de bien comprendre les enjeux, ou de le dissuader d’une lecture complète.

En outre, la lecture de l’étude d’impact s’est parfois avérée fastidieuse, avec une organisation en labyrinthe, où retrouver certains éléments ou références se rapproche du parcours du combattant. Par exemple, si on veut retrouver les références cartographiques des mentions d’observations réalisées et mesures prévues dans le tableau des pages 479 et suivantes, il faut se référer à un document présent dans une annexe (mais encore faut-t-il savoir qu’il existe car le tableau de la page 479 n’en fait pas mention) où on peut comprendre à quoi correspondent les « PK », et ensuite ouvrir un autre document pour voir où sont placés ces PK sur une carte, sans savoir à l’avance dans quel document on retrouvera quelles 

informations. Il faut garder ainsi les 3 documents, au format A3, et occupant chacun l’équivalent de la taille d’un bureau, ouverts devant soit pour comprendre le tableau de la page 479. Le temps qui nous a été nécessaire pour regrouper ces informations se compte en heures. Dans le même ordre d’idée, les résultats des inventaires initiaux sont présentés avant la méthodologie utilisée pour trouver ces résultats, ce qui n’est pas habituel, et, il n’est pas fait mention de l’endroit où on va retrouver cette méthodologie. On a d’ailleurs cru lors du premier travail de projet de rédaction qu’il n’y avait aucune mention des méthodologies d’inventaire initial et avions préparé une réserve sur ce sujet, avant de découvrir que la méthodologie était bien présentée mais à un endroit du document qu’on ne pouvait que difficilement imaginer.

La stratégie consistant à noyer les informations importantes dans un flot d’informations sans importances, et en les éparpillant dans divers extraits d’une dizaine de documents différents est inadmissible. Cela fait perdre du temps à tout le monde et est la meilleure manière d’agacer les lecteurs du document.

L’utilité publique du projet

Concernant l’opportunité du projet, Bretagne Vivante n’est pas favorable à l’installation du projet de centrale à gaz à Landivisiau. Or, il apparait de manière assez évidente que la canalisation est intimement liée au projet de centrale à gaz. Nous restons donc sceptiques sur son opportunité. En outre, on comprend mal dans le dossier si, dans le cas où la centrale à gaz ne se faisait pas, la canalisation serait quand même un aménagement utile. Une position du porteur de projet sur cette question nous intéresserait grandement. Il conviendrait notamment de savoir si la canalisation et la centrale à gaz constituent un programme de travaux. Dans ce cas, l’étude d’impact et l’enquête publique devraient être communes aux deux projets.

Le 4 septembre 2013 l’Autorité environnementale nationale a rendu un avis sur le projet de centrale à gaz à Landivisiau où elle prenait acte de l’engagement du porteur de projet de déposer un dossier commun à l’ensemble du programme de travaux (centrale et raccordements). Nous nous demandons si GRT considère que le présent projet de canalisation fait partie de ce programme et, dans ce cas, il serait opportun qu’une étude des impacts cumulés soit menée.

Dans le cas où la canalisation se ferait malgré tout, il est évident que la position de Bretagne Vivante est de participer à l’amélioration du projet, et à la réflexion sur la réduction de ses effets sur l’environnement. C’est donc dans ce cadre que nous avons diverses remarques à formuler à propos de l’étude d’impact que vous nous avez communiqué.Sur les prospections écologiques initiales. Alors que les données présentées par les maitres d’ouvrage semblent impressionnantes (110 kilomètres prospectés, soit environ 6060 hectares), si on le divise par rapport au nombre de jours passés sur le terrain par le bureau d’études (33), on arrive à une pression d’observation de 183,6 hectares par jour, sans précision sur le nombre de personnes ayant participé à cette pression. En réalité, on déduit de cela que le bureau d’études s’est probablement focalisé sur certains points sur lesquels on peut soupçonner la présence d’espèces intéressantes, de diversité biologique. En effet, le projet traverse de nombreuses parcelles agricoles pour lesquelles une prospection détaillée n’est pas utile. Par contre, ce qui est dommage, c’est que le bureau d’études ne précise pas à quel endroit il s’est focalisé, et, le compte rendu des inventaires de terrains ne comporte pas ce qu’on appelle les « données négatives » : endroits où une prospection a été menée, mais sans résultats. Ces données peuvent pourtant être très intéressantes. Il est donc difficile de savoir avec les informations données si on peut estimer que l’effort de prospection a été suffisant.

La définition des enjeux écologiques nous semble en premier lieu déceler un certain nombre de défauts. Il a été choisi une échelle de définition des enjeux écologiques avec assez peu de degrés qui limitent la finesse de l’analyse. En outre, dans la définition des enjeux écologiques, les liens entre les habitats et les observations d’espèces posent questions. Surtout, les valeurs de l’échelle des enjeux habitats sont différentes de celles des enjeux de fonctionnalité écologique (l’une allant de 1 à 4 l’autre de 1 à 5), ce qui rend encore plus difficile la lisibilité des définitions qui ont été données. Les choix de définition de valeurs ne sont pas expliqués. On ignore s’il s’agit de valeurs « absolues » où chaque milieu et espèces auraient une valeur universellement déterminée ou bien s’il s’agit de valeurs relatives au site du projet, qui sont définie par rapport aux résultats des inventaires et la diversité biologique constatée. On n’a pas non plus compris pourquoi aux enjeux majeurs et forts correspondent la notion d’enjeu régional, dans les deux cas ; ce qui permet encore moins de comprendre quelle est la différence entre ces deux niveaux d’enjeux.

L’enjeu lié aux déboisements a été défini par la présence (ou non) d’EBC identifiés dans les documents d’urbanisme. Cette analyse est partielle, car elle ne différencie pas les EBC selon leurs qualités propres (différence d’enjeux entre espèces impactées), et surtout, rien ne garantit que toutes les communes disposent de documents d’urbanisme qui ont identifié tous les EBC. Certains documents d’urbanisme plus anciens peuvent ne pas comporter d’EBC, voir, même certaines communes ne disposent pas nécessairement d’un document d’urbanisme. Cette méthode n’est ainsi pertinente que s’il est vérifié que les communes traversées disposent bien toutes d’un document d’urbanisme et que tous ces documents d’urbanisme sont suffisamment récents pour disposer d’EBC, notamment, en phase avec d’éventuelles évolutions de milieux (nouvelles parcelles boisées ou coupes non répertoriées).

L’analyse des corridors écologiques (lien avec le projet de SRCE breton – schéma régional de cohérence écologique) reste partielle. Ainsi, alors que le SRCE adopte une démarche réservoirs de biodiversité / continuités écologiques, dans l’étude d’impact présentée, seules les continuités écologiques sont présentées. Nous comprenons certes que le SRCE breton n’a pas encore été validé, mais son élaboration est à une phase avancée, ce qui donne la possibilité aux acteurs bretons de la biodiversité d’anticiper son application. La manière dont les continuités écologiques ont été définies pose d’ailleurs question, car, la cartographie montre qu’il a été choisi quasi exclusivement de suivre les cours d’eau, sans forcément de réflexion approfondie sur les autres types de milieux.

La démarche Éviter – réduire - compenser

D’un point de vue global, la démarche éviter-réduire-compenser n’est pas très nette. Pour ce qui concerne l’évitement, il reste des questions en suspens sur l’utilité de l’infrastructure (cf.introduction). La consommation et les besoins de transport de gaz pourraient être chiffrés plus précisément, par exemple, pour améliorer la compréhension des enjeux des besoins en termes de transports de gaz. Pour ce qui concerne la démarche de réduction, elle semble a priori intéressante, en s’appuyant sur une analyse des territoires et en définissant le meilleur tracé. Toutefois, il aurait pu être envisagé plus de deux variantes au tracé, ce qui limite en partie les termes de comparaison.

Nous sommes interrogatifs sur la compatibilité entre le SCOT du Pays de Lorient et le projet présenté, car, il traverse largement les zones définies dans celui-ci comme corridors écologiques. Ce tracé était-t-il réellement le meilleur ?

La démarche de compensation est étonnement légère, surtout, elle a un caractère hypothétique qui ne rassure pas par rapport aux éventuels engagements du porteur de projet. Malgré l’important volume de l’étude d’impact, ainsi, peu de mesures sûres et certaines dans leur réalisation ne sont 

proposées. Notamment, certaines mesures proposées (voir tableau page 480) ne sont ensuite pas chiffrées dans l’évaluation du coût des mesures environnementales (tableau page 545). On pense par exemple au suivi prévu sur les populations d’Escargots de Quimper. Est-ce à dire qu’il n’est pas envisagé de les réaliser ? À plusieurs reprises, il est fait mention de mesures de suivis, mais, les modalités de ces suivis ne sont pas précisées. Il est pourtant très important que le protocole de suivi soit bien défini dès le début pour éviter qu’ultérieurement des contestations et reproches soient faits sur la qualité de ceux-ci (les choses énoncées clairement se conçoivent aisément).

Sur la présentation des coûts liés aux mesures environnementales, on pense que près de 7 millions d’euros sur les 11 millions n’ont pas à y figurer, car il s’agit de coûts d’infrastructure tout à fait classiques liés aux contraintes de traversée de ruisseaux, et les présenter comme faisant partie des mesures environnementales nous semble abusif.

Nous sommes également étonnés de la démarche éventuelle sur la compensation des zones humides. Les travaux ne devraient normalement pas faire perdre de fonctionnalité aux zones humides, mais une démarche de vérification est prévue, et de compensation au final s’il s’avérait que les résultats effectifs n’étaient pas ceux attendus. À ce moment là, une démarche de création d’une zone humide à superficie équivalente ou de restauration à 3 créé pour 1 détruit est prévue. Cette proposition de création d’une zone humide à superficie équivalente nous semble traduire d’unemauvaise lecture de la disposition 8B2 du SDAGE Loire-Bretagne. Dans cette disposition, seule la recréation ou restauration est envisagée (et non pas de création brute). La mesure qui consiste à créer à superficie équivalente une zone humide en cas de perte de fonctionnalité nous semble ainsi incompatible avec le SDAGE Loire-Bretagne.

En conclusion, nous souhaitons que le porteur de projet complète ou modifie son étude d’impact sur 

les points ci-dessus listés.

En attente de réponses à nos remarques, notre avis ne peut qu’être défavorable.

 JL Toullec

Président

                                                  RÉSUMÉ

Le projet de canalisation constituerait un programme de travaux commun avec la centrale à gaz de Landivisiau. À ce titre, une présentation du besoin de l’infrastructure, et notamment de la demande d’alimentation en gaz de l’ouest de la Bretagne doit figurer dans l’étude d’impact, ainsi qu’une analyse des impacts cumulés avec le projet de centrale à gaz. Dans le cadre d’une déclaration d’utilité publique, la première phase est de justifier de l’utilité du projet, et les explications sont sommaires voire inexistantes sur ce sujet.

Sur le fond, l’étude d’impact est complexe et, en n’effectuant pas une hiérarchisation claire des enjeux, il est difficile de se rendre compte des impacts du projet sur l’environnement, les informations importantes étant noyées dans une masse d’informations accessoires, l’organisation de celle-ci étant complexe dans sa lecture.

La définition des enjeux écologiques nous semble peu claire. Des informations plus claires sur la méthodologie sont indispensables pour comprendre les résultats de l’étude d’impact.

La démarche de compensation n’est pas bonne car la définition des mesures envisagées est imprécise. Il y a des incohérences entre le chiffrage du coût des mesures environnementales et les engagements pris par le maitre d’ouvrage. Au niveau spécifique des zones humides, la démarche de compensation est incompatible avec le SDAGE Loire Bretagne.

Bretagne Vivante souhaite que le porteur de projet complète son étude d’impact. En l’état du dossier, les réserves et insuffisances sont trop nombreuses, donc l’avis de Bretagne Vivante est défavorable.

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